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9 avril 2012 1 09 /04 /avril /2012 10:51

Elle avait posé sur la table une grande feuille de papier épais. Tout en nous écoutant lire à haute voix un passage de Montaigne elle repliait le papier qui bruissait. Un trou-trou exactement placé en haut et en bas recevrait, nous expliqua-t-elle, un ruban de faille grise. Nous roulions ce ruban entre nos doigts et nous en faisions jouer les moirures soyeuses.

 

Nous pouvions donc passer notre temps à nous taire en regardant la bibliothèque, en feuilletant un livre, en écoutant un enfant  ânonnant ses gammes à l’étage au-dessus. Ce sont des choses qui ne se font nulle part. Des choses exquises et fragiles. Le regard interrompt la pensée et la recharge. La voix limite la rêverie.

 

Cependant, partout ailleurs dans la ville des événements s'emparaient de notre destin sans que nous y prenions garde. Des hommes se comptaient et d'autres s’observaient. Ils étaient jaugés et triés, et les peseurs d'âme  fuyaient le long du fleuve. Déjà, leurs pas s'estompaient, laissant place à la fureur. La guerre  s'approchait.

 

Hortense mimait les fileuses, elle agitait sa quenouille et, saisissant un énorme ciseau de tailleur, elle coupait tragiquement ce fil dont un instant auparavant elle avait déroulé la soie. Ariane est restée sur l'île, abandonnée par Thésée. Le fil est rompu, la mort s'empare de l'homme à l'abandon. 

 

La ville était presque trop loin pour que l'on puisse entendre le roulement des tambours et pourtant, dans le secret des caves, de nos caves et de nos greniers, on s'agitait et on aiguisait les faux.

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